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Droit fiscal2 février 2024
De la taxation anachronique des terres agricoles

La Fiscalité désuète sur les terres agricoles: un fardeau pour les agriculteurs

Alors que les médias portent globalement des éclairages économiques et juridiques sur la colère de nos concitoyens agriculteurs, les fiscalistes ne peuvent à leur tour que s’indigner du traitement fiscal que subissent les agriculteurs pendant leur activité et lorsqu’il s’agit de transmettre leur exploitation à leurs enfants.

Outre les distorsions de concurrence et de normes juridiques et sanitaires, force est de constater que les terres agricoles subissent une double sanction fiscale dont aucun média ne se fait l’écho.

La première sanction concerne la fiscalité locale et en particulier, les impôts fonciers.

Le droit fiscal français appréhende les terres agricoles comme des immeubles non bâtis sans que leur usage professionnel soit un élément pris en compte. Concrètement, aucune exonération de taxation n’est prévue alors même qu’il s’agit d’un outil de travail, ni même un abattement spécifique.

Comparaison internationale de la taxe foncière sur les terres non bâties

Nous rappellerons que dans cinq pays la taxe sur le foncier non bâti n’existe pas : Chypre, Croatie, Malte, Royaume Uni, Slovénie. D’autres pays exonèrent intégralement ou en grande partie les terres agricoles de cet impôt : Norvège, Pologne, République-Tchèque, Slovaquie.

La pression fiscale accrue suite à la réforme de 2018

En France la réforme de 2018 sur la valeur cadastrale des biens professionnels n’a rien prévu de spécifique pour les terres agricoles, lesquelles restent soumises de plein droit à la taxe foncière sur les immeubles non bâtis.

De plus, consécutivement à la disparition de la taxe d’habitation et face à la préservation des ressources budgétaires des collectivités locales, la pression fiscale s’est accentuée avec une augmentation régulière des droits à payer constatée chaque année.

La seconde sanction et sans doute la plus anachronique concerne la fiscalité des droits de succession des terres agricoles.

Depuis le début des années 2000, onze pays ont abrogé les droits de mutation à titre gratuit : Autriche (2008), Chypre (2000), Estonie, Lettonie, Malte, République tchèque (2014), Roumanie, Slovaquie (2004), Suède (2005), Norvège (2014), Liechtenstein (2011).

On observe une tendance à supprimer les droits de mutation à titre gratuit en Europe. Parmi les pays les appliquant, plus de la moitié d’entre eux, ont mis en place des dispositifs fiscaux en faveur des terres agricoles sous forme d’exonérations et d’abattements spécifiques.

Les spécificités de la législation française sur les successions

Pour une exploitation française, si rien n’est mis en place par les héritiers, les terres agricoles viennent s’inscrire à l’actif brut de la succession et subissent le barème progressif des droits de succession sans aucune particularité hormis l’abattement de 100.000€ en ligne direct (s’il n’a pas été utilisé par des donations antérieures fiscalement rapportables (c’est-à-dire de moins de 15 ans !).

Comparaison avec l’Allemagne et les abattements spécifiques

Si nous regardons nos voisins allemands, en ligne directe, le taux maximum, 30 %, n’est atteint que lorsque la part héréditaire après abattement dépasse 26 millions d’euros.

La plupart des héritages ne sont pas taxés puisque l’abattement dont bénéficie le conjoint se monte à 563.000€.

Les possibilités de réduction de la pression fiscale en France

En France, la seule possibilité de diminuer cette pression fiscale consiste à créer une structure (typiquement un groupement foncier agricole) dans laquelle les biens ruraux sont donnés en location à long terme. En application des articles 793 et 793 bis du CGI, chaque héritier bénéficie alors d’une exonération de 75% jusqu’à 300.000€ et de 50% au-delà, jusqu’à 45 % en ligne directe et 60 % au-delà du quatrième degré de succession. L’exonération passe de 300.000€ à 500.000€ si les parts de GFA sont conservées 10 ans.

Étant précisé que le GFA doit exister depuis au moins deux ans pour que le régime d’exonération partielle puisse s’appliquer.

Dans le contexte actuel, notre législateur a pleine latitude pour alléger cette pression fiscale. Tout de suite, sans autorisation européenne…

David JANIAUD
Avocat associé
Avocat à la Cour

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