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Droit social7 décembre 2022
Prohiber une manière de se coiffer aux seuls hommes peut être discriminatoire

Prohiber une manière de se coiffer aux seuls hommes peut être discriminatoire

Un nouvel exemple sur l’égalité professionnelle homme-femme

Focus sur l’arrêt rendu le 23 novembre 2022 par la chambre sociale de la Cour de cassation : Prohiber une manière de se coiffer aux seuls hommes peut être discriminatoire

La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu un arrêt sur la notion de discrimination directe fondée sur l’apparence physique rapportée au sexe du salarié et considère que la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes.

Les faits et la procédure

Cette affaire concerne un steward engagé en 1998 par une compagnie aérienne, la société Air France. À compter de 2005, le salarié s’est présenté, coiffé de tresses africaines nouées en chignon à l’embarquement, lequel lui a été refusé par l’employeur au motif qu’une telle coiffure n’était pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin. Par la suite et jusqu’en 2007, le salarié a porté une perruque pour exercer ses fonctions.

Soutenant être victime de discrimination, il a saisi, le 20 janvier 2012, la juridiction prud’homale. Le 13 avril 2012, l’employeur a notifié au salarié une mise à pied sans solde de cinq jours pour présentation non conforme aux règles de port de l’uniforme. Le 17 février 2016, le salarié a été déclaré définitivement inapte à exercer la fonction de personnel navigant commercial, en raison d’un syndrome dépressif reconnu comme maladie professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie. Après avoir bénéficié d’un congé de reconversion professionnelle et confirmé qu’il ne souhaitait pas de reclassement au sol, il a été licencié le 5 février 2018 pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement.

En cause d’appel, le salarié a demandé la condamnation de l’employeur au paiement d’une somme à titre de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté, d’un rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2012 au 28 février 2014 et les congés payés afférents, la nullité de son licenciement et en conséquence la condamnation de l’employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, d’un solde de préavis avec les congés payés afférents et d’une indemnité de licenciement.

La cour d’appel a débouté le salarié de toutes ses demandes et donc écarté toute discrimination.

La cour d’appel a estimé que :

  • La présentation du personnel navigant faisait partie de l’image de marque de la compagnie aérienne ;
  • Cette image de marque imposait le port de l’uniforme ;
  • La différence de coiffure entre homme et femme reposait sur des codes en usage.

La question posée à la Cour de cassation

Le fait pour un employeur de restreindre la liberté de ses salariés de sexe masculin dans leur façon de se coiffer constitue-t-il une discrimination fondée sur le sexe ?

Repères :

Le code du travail

Le code du travail interdit de licencier ou de sanctionner un salarié pour des motifs discriminatoires tels que le sexe.

Toutefois, il autorise des différences de traitement lorsqu’elles répondent à des exigences professionnelles essentielles et déterminantes. L’objectif recherché par l’employeur doit alors être légitime et les exigences imposées aux salariés proportionnées.

La jurisprudence

La jurisprudence précise que les exigences qui pèsent sur le salarié doivent être dictées par la nature ou les conditions d’exercice objectives de l’emploi. Ces exigences ne peuvent répondre à des considérations subjectives telles que la volonté de l’employeur de tenir compte de souhaits particuliers des clients.

La réponse de la Cour de cassation : Les exigences liées à l’exercice de la profession de steward ne justifient pas d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes.

La Cour de cassation considère que l’interdiction faite à un homme de porter une coiffure, autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin caractérise une discrimination directement fondée sur l’apparence physique en lien avec le sexe.

La Cour de cassation estime que la cour d’appel ne pouvait pas invoquer des arguments relatifs :

  • au port de l’uniforme, inopérants pour justifier que les restrictions imposées au personnel masculin relatives à la coiffure étaient nécessaires pour permettre l’identification du personnel de la société Air France et préserver l’image de celle-ci. La Cour de cassation considère ainsi que la manière de se coiffer n’est ni une partie de l’uniforme ni son prolongement.
  • à la perception sociale de l’apparence physique des genres masculin et féminin, laquelle ne peut constituer une exigence professionnelle véritable et déterminante justifiant une différence de traitement relative à la coiffure entre les femmes et les hommes. La Cour de cassation considère donc que les codes sociaux ne sont pas des critères objectifs qui justifient une différence de traitement entre les hommes et les femmes. Dans le cadre de cette profession, il n’est donc pas possible d’interdire aux hommes une coiffure autorisée aux femmes.

Jocelyne CLERC Catherine HARNAY

 
 

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