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- Liberté d’expression du salarié : la Cour de cassation précise ses limites

Liberté d’expression du salarié :
Seul l’exercice personnel de cette liberté est protégé
Une lettre d’avocat ne peut être assimilée à une expression propre du salarié
Cour de cassation, chambre sociale, 10 septembre 2025, n° 24-12.595
Jocelyne CLERC et Catherine HARNAY, Avocates en droit social au sein du Cabinet ADER JOLIBOIS ont la grande satisfaction de pouvoir citer cet arrêt de la Cour de cassation obtenu pour l’un de leurs clients.
Cet arrêt permet de clarifier un point crucial : pour qu’il y ait exercice de la liberté d’expression par un salarié, l’action doit émaner d’une démarche personnelle. Le simple fait qu’un tiers, comme un avocat, agisse ou écrive en son nom ne peut pas être considéré comme une manifestation de cette liberté.
Seule l’expression personnelle de la liberté d’expression par un salarié est protégée. Pour qu’un licenciement soit considéré comme nul pour atteinte à ce droit, il est nécessaire que le salarié ait lui-même formulé ses opinions ou ses critiques, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise.
Les faits et la procédure
Mme N. avait été engagée en 2008 par une société comme chargée de développement, puis promue directrice du développement en 2011.
En avril 2019, son employeur lui propose une rupture conventionnelle. Par l’intermédiaire de son avocat, elle refuse. Quelques jours plus tard, elle est convoquée à un entretien préalable et licenciée pour insuffisance professionnelle.
Contestant son licenciement, la salariée estime que la véritable cause résidait dans la lettre rédigée par son avocat, laquelle constituerait l’exercice de sa liberté d’expression. La cour d’appel de Paris lui donne raison et prononce la nullité du licenciement.
Rappel de la jurisprudence en matière de liberté d’expression
La liberté d’expression du salarié constitue un droit fondamental, protégé par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme et le code du travail (article L 1121-1).
Ces dernières années, la jurisprudence sur ce sujet est devenue particulièrement abondante, surtout en ce qui concerne les sanctions associées : la nullité du licenciement.
La Cour de cassation rappelle que le salarié jouit, dans l’entreprise et hors de celle-ci, de sa liberté d’expression (Cass. soc. 14-12-1999 no 97-41.995 PB ; Cass. soc. 22-6-2004 no 02-42.446 F-P), sous réserve de respecter ses obligations de discrétion et de loyauté.
L’employeur ne peut apporter à cette liberté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Toutefois, le salarié ne doit pas en abuser. Un abus est traditionnellement caractérisé par l’usage de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs (Cass. soc. 2-5-2001 no 98-45.532 FS-P ; Cass. soc. 27-3-2013 no 11-19.734 FS-PB).
Si un salarié est licencié, même en partie, pour avoir exercé sa liberté d’expression de manière non abusive, ce licenciement est considéré comme nul. (Cass. soc. 16-2-2022 no 19-17.871 FS-B ; Cass. soc. 29-6-2022 no 20-16.060 FS-B).
La question posée à la Cour de cassation
La liberté d’expression du salarié est-il un droit strictement réservé au salarié lui-même ou peut-il s’étendre à un tiers mandaté pour parler en son nom, comme un avocat ?
Autrement dit, une lettre rédigée par un avocat pour le compte du salarié peut-elle être considérée comme une expression personnelle de ce dernier, et donc entrer dans le champ de sa liberté d’expression ?
La décision de la Cour de cassation
La Cour casse l’arrêt de la cour d’appel et juge que :
- La lettre d’un avocat ne peut être assimilée à une expression personnelle du salarié,
- L’article L. 1121-1 du code du travail n’était pas applicable,
- Le licenciement était motivé par une insuffisance professionnelle, sans lien avec une expression d’opinion personnelle.
Ainsi, seul l’exercice personnel de la liberté d’expression est protégé. Le salarié doit lui-même exprimer ses critiques ou opinions pour pouvoir invoquer cette liberté fondamentale.
L’expertise des avocats Jocelyne CLERC et Catherine HARNAY du cabinet Ader Jolibois
Le cabinet Ader Jolibois, fort de son expérience en droit du travail et droit social, accompagne dirigeants et entreprises dans la gestion des licenciements, des contentieux prud’homaux et des problématiques liées à la liberté d’expression en entreprise.
Contactez-nous pour être conseillé dans vos démarches.

Avocat associé

Avocat sénior
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